
Les occasions de faire entrer un fonds d’investissement au capital d’une entreprise sont multiples au cours de la vie de celle-ci. Les implications et conséquences d’une telle décision doivent être parfaitement intégrées par les dirigeants dès la genèse du projet.
Le capital-investissement : un monde hétéroclite
Dès le lancement d’activité, en phase de croissance ou, au contraire, pour affronter des difficultés financières, les raisons de se tourner vers un investisseur pour alimenter son entreprise en liquidités sont nombreuses. Il ne faudrait cependant pas en déduire que n’importe quel investisseur pourrait faire l’affaire, pour autant qu’il soit en mesure d’apporter du financement. Derrière l’appellation large de capital-investissement se cache en réalité une multitude de profils, pour ne pas dire de métiers spécifiques.
Ainsi, avant même que l’entreprise ne voit le jour, elle peut déjà se tourner vers les fonds d’amorçage, qui peuvent accompagner la R&D, l’achat de matériel ou toute autre étape indispensable à la création de la société et de son projet. Les entreprises ayant besoin de croître rapidement peuvent ensuite faire appel à des fonds de capital-risque. Ils accompagnent notamment les jeunes pousses du secteur technologique ou les sociétés qui présentent un potentiel d’innovation élevé. Les entreprises plus matures ne sont pas pour autant délaissées. En fonction de leurs projets ou de leurs impératifs de croissance, elles peuvent chercher des financements auprès de spécialistes du capital-développement. Enfin, il existe des fonds spécialisés dans l’accompagnement de sociétés en difficulté. Le capital-retournement fournit du financement aux entreprises ayant des problèmes de trésorerie et les accompagnent pour assainir leur situation.
Au sein de tous ces segments du capital-investissement, la diversité est de mise. Certains fonds d’investissement demeurent « généralistes », quand d’autres se spécialisent en fonction de secteurs d’activité ou du type de développement possible pour l’entreprise.
Ces divers fonds d’investissement présentent cependant des points communs. Ils prennent des participations dans des entreprises avec un horizon de temps moyen terme, généralement compris entre 3 et 7 ans, allant parfois jusqu’à 10 ans. Leur rôle est d’accompagner la forte croissance ou le redressement de la société, en revendant ultérieurement leurs parts avec un bénéfice. Leurs objectifs sont à la fois similaires et très différents de ceux des dirigeants-fondateurs des entreprises. Tous souhaitent faire progresser la valeur de la société et qu’elle atteigne ses ambitions, toutefois leurs horizons de temps divergent et leur objectif final de vente est rarement aligné.
Ne pas négliger le facteur humain
Identifier le partenaire idéal est donc une étape clé du projet. Elle ne se limite toutefois pas à trouver le fonds d’investissement ayant la capacité financière ou la spécialisation en phase avec la stratégie de l’entreprise. Loin de n’être qu’une affaire de chiffres, ouvrir son capital est aussi une question d’affinités. Devoir composer pendant 3 à 7 ans avec des investisseurs sans entrer en conflit est primordial. Pour cela, les affinités personnelles, la vision de l’entreprise et du métier d’investisseur comptent beaucoup. Tous les fonds ne s’impliquent pas de la même manière au sein de la société. Chez certains, la participation financière est assortie d’une implication conséquente dans la stratégie, pour d’autres, il s’agira d’un suivi plus que d’un accompagnement stratégique. Il est cependant très courant que les investisseurs disposent d’un siège au sein du conseil d’Administration ou du conseil de Surveillance. Leur aire d’influence et leur poids stratégique doit être discuté en amont de leur entrée au capital.
Travailler sur les points d’achoppement
Les bénéfices d’une ouverture de capital à un investisseur externe sont connus. Cet apport de liquidités permet d’éviter de recourir à l’endettement ou d’engager les finances personnelles du dirigeant. Les investisseurs mettent également à disposition leurs connaissances, leurs réseaux. Leur arrivée permet souvent de lever des freins réels à la croissance de la société. Ils permettent, par exemple, d’accélérer sur la R&D, de lever les barrières à l’entrée de certains secteurs, d’augmenter les volumes de production et donc de jouer sur les prix, ou encore de s’attaquer à l’export. Ouvrir son capital à des investisseurs externes peut également servir d’effet de levier pour décrocher des financements auprès d’autres types d’acteurs, et démultiplier ainsi le potentiel de croissance de la société.
Ce qui est moins perçu, en revanche, ce sont les étapes et enjeux que le dirigeant ne doit pas négliger. Tout d’abord, il faut être conscient que toute recherche d’un investisseur extérieur ne se solde pas par un succès. Or la préparation d’une telle opération est très chronophage – un temps qu’il n’est alors pas possible de consacrer aux affaires. L’idéal est donc de pouvoir identifier un cadre dirigeant responsable de ce dossier et de lui aménager un emploi du temps adéquat.
Attention également à ne pas se laisser « éblouir » par un fonds d’investissement. Une croissance extensive, menée à grand renfort d’injections d’argent, nuit parfois à la solidité de l’entreprise et à sa pérennité à long terme. Il est inutile de prendre des financements simplement parce qu’ils sont disponibles si la société n’en a pas réellement l’utilité. A l’inverse, il ne faut pas non plus penser que les investisseurs sont la solution à tous les maux. La stratégie de l’entreprise repose avant tout sur son équipe dirigeante, qui doit porter son développement.
Enfin, nous le disions, le facteur humain reste capital. Une certaine perte d’autonomie, pour les dirigeants-fondateurs, est inévitable, même si son ampleur varie d’un projet à l’autre. Eviter tout conflit entre les détenteurs du capital est essentiel. Cela inclut d’ailleurs de préserver les intérêts des autres investisseurs minoritaires, qui peuvent craindre une dilution du capital. Le capital-investissement n’en demeure pas moins une formidable opportunité d’accélérer la croissance d’une entreprise, de lui faire atteindre une taille critique et d’augmenter significativement sa valorisation. C’est également un appréciable soutien dans les périodes de relance. Les investisseurs peuvent alors être la clé pour préserver une activité mise sous pression à cause de facteurs externes.
Quels que soient le projet et l’ambition sous-jacente à une ouverture de capital, celle-ci doit être murie par les dirigeants et faire l’objet d’un dialogue approfondi avec les investisseurs. Les fruits de ce dialogue permettront de rédiger un pacte d’actionnaires qui protège les intérêts de tous les acteurs et reflète leur vision commune pour ce nouveau partenariat.