Rencontre avec Jean-Christophe Labbé, notaire à La Rochelle

La donation-partage transgénérationnelle demeure encore une opération peu connue. Elle présente pourtant de nombreux avantages, à condition d’anticiper et maîtriser ses implications, explique Maître Jean-Christophe Labbé, notaire à La Rochelle.

 

Quels sont les principaux avantages de la donation-partage transgénérationnelle ?

Le législateur est parti du constat que l’âge auquel on hérite est de plus en plus élevé en France, puisqu’il atteint désormais 52 ans en moyenne. Il a donc élaboré, en 2006, une loi autorisant la donation-partage transgénérationnelle. Celle-ci permet ainsi aux grands-parents d’anticiper leur succession et de transmettre leur héritage à leurs petits-enfants, qui ont souvent plus besoin d’un soutien financier que la génération du dessus. Point important à signaler, les enfants du donateur doivent être d’accord pour que l’héritage soit transmis à leurs propres enfants.

Ce système dispose d’une grande souplesse, puisqu’il est possible de panacher la transmission entre les différents enfants et petits-enfants du donateur. Il permet également de donner aussi bien de l’argent que des biens immobiliers, des SCI, des titres ou parts d’entreprise. Autre spécificité utile, le grand-parent peut ne donner que la nue-propriété d’un bien à son petit-enfant et en donner l’usufruit (dit usufruit successif) à son enfant.

Techniquement, ce dispositif bénéficie des mêmes avantages qu’une donation-partage classique, c’est-à-dire un gel de la valeur des biens – qui n’est donc pas révisée au moment du décès -, et une dispense du rapport, c’est-à-dire une impossibilité de remettre en cause cette donation au décès. Le cas de figure est plus rare, mais il est également possible d’incorporer dans une donation-partage des biens qui ont déjà été donnés aux enfants. Cela permet de gérer, toujours avec l’accord des enfants du donateur, la transmission d’une manière plus globale.

Ce mode de transmission dispose d’un avantage fiscal, puisqu’il évite une double taxation, qui interviendrait au décès du grand-parent, puis à celui du parent. Le gain n’est toutefois pas immédiat. La transmission d’un grand-parent vers un petit-enfant bénéficie d’un abattement à hauteur de 31 865 € seulement, le reste étant soumis à la fiscalité habituelle en matière de donations Il est donc inférieur à l’abattement de 100 000 € entre un parent et un enfant. Toutefois, sauter une génération permet également de préserver l’abattement disponible de parent à enfant.

 

Que pensez-vous de l’association d’une donation-partage transgénérationelle réalisée dans le cadre du régime Dutreil ?

La donation-partage transgénérationnelle permet de transmettre les titres d’une entreprise à ses petits-enfants, avec l’accord des parents, tout en bénéficiant de conditions fiscales attractives.

Il est donc possible de bénéficier de l’attractivité du dispositif Dutreil aux mêmes conditions (engagements collectif et individuel de conservation des titres, exercice d’une fonction dirigeante au sein de l’entreprise, …). L’abattement fiscal est de 75 % de la valeur des titres donnés et la donation peut être couplée à un démembrement desdits titres permettant une réduction de droits supplémentaires.

Il demeure indispensable de se faire assister d’un professionnel du droit pour accompagner les membres de la famille dans cette transmission.

 

Dans ce schéma, quelles sont les clauses spécifiques que vous conseillez d’adjoindre dans l’acte de donation ?

La donation-partage transgénérationnelle (incluant ou non un régime Dutreil) est assortie de clauses classiques, comme le droit de retour ou les interdictions d’aliéner et d’hypothéquer.  Dans le cadre du pacte Dutreil, il conviendra également de veiller au respect des engagements et des conditions pour en bénéficier sans risque.

Si la donation concerne des sommes d’argent, les clauses peuvent porter sur l’emploi de ces sommes, les dédiant, par exemple, à une acquisition immobilière. Il est également possible d’adjoindre des clauses d’exclusion de communauté, si l’un des petit-enfants est marié. Un versement de somme d’argent (appelée « soulte ») est également prévu si les biens donnés aux donataires ne sont pas d’égale valeur.

 

Quels sont les principaux risques sur le plan fiscal, en particulier sur le terrain du mini abus de droit ?

Le premier point est évidemment d’évaluer à sa juste valeur le bien donné. Je tiens également à rappeler le caractère définitif de cette donation, qui ne peut ensuite être remise en cause. Cela implique, pour le donateur, de bien anticiper ses besoins futurs, de réfléchir à l’échelle de l’ensemble de son patrimoine.

Si la donation concerne des parts de société, il faudra veiller à ce que les statuts de l’entreprise soient ensuite aménagés en fonction de cette transmission. C’est une étape très importante, car de nombreux aménagements doivent être apportés, notamment sur la question de l’attribution des droits de vote ou du décès. Ce sont donc également les statuts de la société, et non les seules clauses liées à la donation, qui vont permettre d’organiser la gestion de l’entreprise (des mandats à effet posthume et des mandats de protection future sont également à conseiller pour anticiper un décès ou une incapacité).

Dans la pratique, la donation-partage transgénérationnelle n’est pas une opération si fréquente. Elle n’est pas très connue, donc résulte souvent d’une suggestion faite par les professionnels. Elle répond cependant à de réels besoins et constitue une opportunité grâce aux avantages qu’elle procure. Pour qu’elle soit réalisée dans les meilleures conditions possibles, il est nécessaire de s’entourer de conseils adéquats : bancaires, notariaux ou encore comptables.

 


Rencontre avec Jean-Luc MINET, directeur général chez Expanso Capital et directeur Filiales et participations à la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes

Pour prendre part à la relance, nombre d’entreprises vont avoir besoin de consolider leurs fonds propres, après avoir été durement touchées par la crise du Covid-19. Il existe des alternatives aux aides de l’Etat, comme le démontrent les solutions de financement mises en place par la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes, en soutien aux entreprises de la région. Les explications de Jean-Luc Minet, directeur général chez Expanso Capital et directeur Filiales et participations à la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes.

 

En quoi consiste votre activité au sein de la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes ?

Notre direction a 3 activités. Elle gère et anime le fonds d’investissement de proximité Expanso Capital, un fonds propriétaire qui a pour objectif d’accompagner nos clients actuels et à venir. Elle répond également aux demandes des arrangeurs de la place – dont notre filiale Hélia Conseil – sur les crédits syndiqués corporate (entreprises, holding de contrôle et sociétés de projets). Nous avons en effet une structure bancaire dédiée à l’arrangement de dette, notamment émanant de la part d’entreprises de taille intermédiaire (ETI). Mon expertise s’est concentrée durant une grande partie de ma carrière sur ce segment et aujourd’hui j’anime notre nouvelle offre en crédit-bail immobilier. Nous avons fait le choix de traiter le crédit-bail en direct, en endossant à la fois le rôle de banquier et de bailleur pour nos clients. Très peu d’établissements bancaires procèdent ainsi.

 

D’après vous, quels impacts la crise du COVID-19 a-t-elle sur la croissance des entreprises ?

Il est trop tôt pour les affirmations, la crise sanitaire n’est pas terminée et les mesures de soutien de de l’Etat ont différé les problèmes de trésorerie. Sans compter que les sociétés n’ont pas encore bouclé leurs comptes 2020 et évalué leurs pertes éventuelles. Les fonds et banques anticipent toutefois des défaillances importantes et les demandes de recapitalisation devraient apparaître au printemps 2021. Il faut également considérer que la décision de faire entrer un fonds au capital peut prendre du temps, de même que de monter un dossier. Sans véritable plan de relance, il est difficile de convaincre des investisseurs. Les fonds se tiennent cependant mobilisés pour soutenir leurs affiliés.

 

Comment la Caisse d’Epargne, et plus particulièrement sa filiale régionale Expanso Capital, peuvent aider les entreprises à passer le cap de cette crise ?

Expanso Capital a investi à ce jour 10 M€, dans 40 entreprises petites ou moyennes. Sa particularité : proposer des tickets de proximité, pour moins de   500 000 €. Peu d’acteurs disposent de ce type de solution, qui répond par exemple aux enjeux de start-ups ou de holdings de reprise. Nous prenons une position toujours minoritaire et le plus souvent en co-investissement avec d’autres fonds régionaux. Ce fonds maintient une activité forte, avec un quasi doublement des investissements sur 2020. Nous sommes plus que jamais à l’écoute de nos affiliés pour les aider à rebondir.

 

Existe-t-il également une solution dédiée à la reprise économique ?

Beaucoup d’établissements bancaires se contentent d’attendre les demandes, mais nous avons choisi de prendre les devants. Dès le mois de juin 2020, nous avons créé le fonds Rebondir Nouvelle Aquitaine, dédié à la relance. Expanso Capital n’a pas la capacité humaine et financière de faire plus de 4 à 5 investissements annuels, plafonnés à 500 000 € par opération. Aussi avec Rebondir Nouvelle Aquitaine, nous avons pour objectif d’anticiper les besoins de nos clients en termes de recapitalisation. Le fonds ne se positionnera donc pas sur le même type de dossier que Expanso, dont les vocations sont différentes.
Rebondir Nouvelle Aquitaine s’adresse à nos PME clientes ayant affiché une bonne santé financière en 2019, mais mises en difficulté par la crise. Elles doivent être en capacité de se redresser plus rapidement grâce à un apport en fonds propres, ou quasi fonds propres. Les tickets seront compris entre 500 000 € et 2 M€ et, là encore, nous avons l’intention de demeurer minoritaire et de ne pas nous immiscer dans la gestion de l’entreprise.
Nous n’avons pas fixé de contraintes externes sur la nature des financements, qui pourront ainsi être des actions comme des obligations, des obligations convertibles en actions ou encore des obligations à bons de souscription d’actions. L’essentiel est que la solution soit adaptée aux besoins de notre client.
L’horizon d’investissement est de plus de 5 ans sur les obligations, de 7 à 8 ans environ sur les actions. Ce fonds de capital développement est géré par notre filiale bordelaise, Galia Gestion à laquelle nous adresserons les demandes de nos clients. Il est le résultat d’un partenariat avec nos cousins de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique.

 

Quel type d’entreprise pourrait être intéressé par l’offre de Rebondir Nouvelle Aquitaine ?

Je pense que cela tient plus au profil des dirigeants qu’au secteur d’activité. On peut, bien entendu, s’attendre à être consultés par le secteur de l’hôtellerie, de la restauration, ou le monde de la culture ou du théâtre, fortement touchés par la crise. Toutefois, les premiers dossiers que nous avons reçus sont en dehors de ces secteurs.
L’essentiel réside surtout dans la capacité des dirigeants à anticiper, à se projeter dans l’avenir. Il faut en effet se souvenir que les mesures de soutien de l’Etat et les PGE (prêts garantis par l’Etat) vont durer jusqu’en juin 2021. Les entreprises vont sans doute essayer de tirer parti au maximum des dispositions de ce PGE. Toutefois, elles ne doivent pas oublier qu’il s’agit de dette, qui ne règlera que des problèmes de trésorerie à court terme, sans améliorer leur bilan. Une fois les PGE bouclés, le crédit risque de se tarir. Les dirigeants qui veulent anticiper cela, mais aussi se concentrer sur la reprise de leur activité, doivent y penser dès aujourd’hui, avant que les possibilités de financement, notamment via des fonds, ne se tarissent elles aussi. La solidité du bilan est un élément clé de la crédibilité d’une entreprise, face aux banques, mais aussi à ses clients et fournisseurs. Les dirigeants doivent réfléchir aux solutions permettant de la préserver.


Rencontre avec Philippe Kerbiriou, Directeur du développement Natixis Life

Entre des taux d’intérêt durablement bas et les effets de la crise du Covid-19, les inquiétudes quant à la solvabilité des assureurs et la rentabilité des assurances vie se sont multipliées. Si ces questions semblent légitimes, Philippe Kerbiriou, directeur du développement de Natixis Life, y apporte cependant des éléments de réponse rassurants.

 

Quel a été l’impact de la crise du Covid-19 sur les assureurs vie, notamment sur leur ratio de solvabilité ?

Le ratio de solvabilité des assureurs est calculé trimestriellement. Ce ratio au 31/03/2020 prenant en compte la baisse des marchés financiers en février et mars est à un niveau confortable à 148%, en très légère baisse de 12 points par rapport au 31/12/2019, mais bien au-delà de la norme de 100% (ratio légal). Il est communiqué trimestriellement auprès du Commissariat aux Assurances, le régulateur luxembourgeois. Et annuellement auprès des clients, dans le rapport SFCR disponible dès le mois d’avril sur le site extranet de la compagnie

Les clients de Natixis Life ont eu tendance pendant la crise du Covid 19 à moins investir sur le fonds en Euros pour leurs nouvelles souscriptions. Et certains d’entre eux ont réaliser des arbitrages du fonds Euro en faveur des unités de compte, pour profiter des opportunités de marché. Compte tenu du contexte, ceci est une bonne nouvelle, car cela signifie que nous ne sommes pas obligés d’investir en cette période de taux bas et de diluer le rendement du fonds en Euros.

 

La contraction de l’économie va générer des besoins de financement importants. Les assureurs peuvent-ils contribuer à un nécessaire financement de l’économie réelle, ou sont-ils trop contraints par la règlementation ?

Les assureurs vie cherchent à diversifier leurs placements, cette diversification étant l’ADN chez Natixis Life. Le fonds en Euros de Natixis Life comptabilise plus de 500 lignes d’investissement. Un certain nombre d’entre elles contribuent directement au financement de l’économie réelle. Ainsi, au sein de la poche obligataire, nous comptons une part d’emprunt corporate (entreprises). Nos investissements sur le segment de l’immobilier, qui a connu une belle rentabilité, ont augmenté et comprennent de l’immobilier de bureaux et des locaux commerciaux. Nous investissons également dans les infrastructures et le non-côté, autant de positions qui contribuent au financement de l’économie réelle.

 

Il est vrai que le respect des règles de Solvabilité 2 oblige les assureurs à une certaine sécurité, afin de pouvoir garantir le capital. Toutefois, compte tenu de la taille de notre fonds euros et surtout de sa duration, nous bénéficions de nombreuses opportunités de diversification. Et nous pouvons ainsi investir sur des produits au rendement plus attractif, avec une volatilité plus grande.

Il est cependant indéniable que l’équilibre entre sécurité et rendement est de plus en plus complexe à obtenir en période de taux bas voire négatifs.

Natixis Life a également investi dans le cadre du fonds en euros à une obligation émise par l’état Luxembourgeois notée AAA pour soutenir l’économie luxembourgeoise.

 

Cette difficulté à obtenir du rendement doit-elle conduire à une modification de la composition du fonds euros ?

Nous disposons encore d’une certaine marge de manœuvre pour trouver du rendement sur le fonds euros. Il faut désormais investir en fonction des opportunités. La poche principale demeure l’obligataire, qui permet la garantie du capital, à laquelle s’ajoutent des opportunités de diversification, comme nous l’avons mentionné.

Il est important que le gérant du fonds puisse se positionner sur les marchés porteurs, qu’il s’agisse du private equity, de l’immobilier, de la dette privée… L’allocation stratégique du fonds en euro s’adapte en fonction de l’environnement économique. Ainsi, par exemple la question se pose quant à l’évolution de l’immobilier de bureau dans les grandes villes, à la suite de la crise du Covid-19. Nous sommes attentifs à l’évolution de ce marché, qui pourrait être pénalisé par le développement du télétravail. En revanche, le marché actions est redevenu attractif. Le niveau que nous connaissons actuellement, est encore loin des 6 000 points atteint précédemment par le CAC 40 avant la crise. Cela peut constituer des points d’entrée sur les marchés.

 

Les taux négatifs du marché monétaire constituent un frein au rendement des fonds euros. Faut-il encourager les souscripteurs à se reporter vers les unités de compte ? Quelles solutions envisagez-vous chez Natixis Life ?

Nous encourageons en effet nos clients à diversifier leurs placements en privilégiant les unités de compte. Il appartient toutefois au conseiller de définir le profil de chaque investisseur, de prendre en compte son horizon d’investissement, et de décider en fonction de ces paramètres, d’ouvrir ou non le contrat aux unités de compte.

L’important, chez Natixis Life, est d’être en mesure de proposer un large choix d’investissement et une importante gamme d’unités de compte, présente majoritairement dans la composition de nos contrats.  Ceci est possible car notre offre est sous un régime de droit luxembourgeois, qui permet de proposer aussi bien un fonds en euros, que des fonds diversifiés et surtout des fonds internes collectifs ou dédiés. Ces derniers sont gérés par Vega IM le gestionnaire financier des Caisses d’Epargne qui offre un service haut de gamme de gestion sous mandat aux clients.

Les fonds internes luxembourgeois sont accessibles pour les investisseurs français et constituent une particularité -ou complémentarité- au regard du droit français de l’assurance vie. Ils présentent le double avantage pour les investisseurs de disposer d’un très large panel de supports d’investissement (opcvm, immobilier, actions, …) et de permettre au gérant d’agir en direct sur les marchés conformément au profil choisi par le client. Cet avantage pour le gérant lui confère une très grande réactivité au regard de la volatilité des marchés.

En conclusion, Natixis Life, permet à nos clients un large choix d’investissement, une gestion financière adaptée aux profils des souscripteurs et une réactivité accrue de VEGA IM grâce à la spécificité des fonds internes.


RENCONTRE AVEC Renaud Fornier de Savignac – Avocat associé – Directeur du département fiscal du cabinet FIDAL pour l’Aquitaine Membre du conseil d’administration de l’IACF

1/ Les décisions du Tribunal de Montreuil du 16/07/2019 (N° 1706787, 1812220,1811931,1811897) illustrent la difficulté de la recherche des intentions du législateur pour démontrer une fraude à la loi. L’éclairage de cette jurisprudence ne pose-t-il pas la question de la sécurité juridique des contribuables qui réaliseront des actes isolés, conforme au texte fiscal qui les régit, au regard du risque d’abus de droit ?

 La mise en évidence d’un abus de droit par fraude à la loi implique la réunion de deux éléments : un élément objectif, à savoir l’utilisation d’un texte à l’encontre des intentions de son auteur, et un élément subjectif, à savoir la volonté exclusive (abus de droit classique), ou principale (dans le nouveau texte) d’éluder l’impôt.

Autrement dit, si l’intention du législateur est considérée comme respectée, l’administration fiscale ne peut remettre en cause une opération sur le terrain de l’abus de droit classique (art. L 64 du LPF) ou du « mini abus de droit » (nouvel article L 64 A du LPF).

La sécurisation fiscale des opérations optimisantes nécessite donc de s’assurer de leur conformité à l’intention du législateur.

Démontrer l’intention du législateur en instaurant un régime fiscal particulier n’est toutefois pas chose aisée, puisque cette intention n’est pas toujours clairement exprimée et que sa recherche conduit le plus souvent à devoir examiner la documentation ayant accompagné l’adoption du texte (présentation du projet loi, des amendements, rapport des commissions parlementaires, comptes rendus des débats …) dans l’espoir d’y trouver la motivation du texte.

 

 

2/La procédure d’abus de droit (droit commun et mini abus de droit) n’est pas applicable lorsque le contribuable a formé un rescrit resté sans réponse dans un délai de 6 mois à compter de la demande. Cette procédure de rescrit peut-elle être source de sécurité juridique pour les contribuables ?

Incontestablement, cette procédure de rescrit, enfermée dans un délai de réponse impératif (sans doute un peu trop long), est de nature à renforcer la sécurité fiscale des opérations. Rappelons toutefois que la portée d’un rescrit favorable est limitée puisque la décision ne peut être opposée à l’administration que par le contribuable qui l’a sollicitée, dans le contexte qu’il a décrit (d’où une importance accrue à donner à la rédaction de la demande de rescrit).

La sécurité fiscale induite par le rescrit pourrait néanmoins être obtenue au prix d’une restriction de la liberté juridique du contribuable. On peut en effet craindre que l’administration se montre très restrictive sur les schémas validés, ne laissant in fine au contribuable qui l’aura consultée d’autre choix que de se soumettre à sa décision ou d’engager une procédure contentieuse de recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif (procédure longue, non compatible avec le temps de la vie des affaires).

 

 

3/ Pensez-vous que la constitutionnalité du dispositif de mini abus de droit, qui sera applicable aux actes passés à compter du 01/01/2020, puisse être remise en cause par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité ?

L’article L 64 A du LPF constitue un simple texte d’assiette auquel aucune procédure ni sanction spécifique n’est attachée exceptée les sanctions de droit commun, ceci afin de contourner les motifs pour lesquels le Conseil constitutionnel avait censuré le 29 décembre 2013 une première tentative d’étendre l’abus de droit (art. L 64 du LPF) aux actes à but principalement fiscal.

On peut toutefois se demander dans quelle mesure ce nouveau dispositif est régulier. Les sanctions de droit commun (majoration de 40 % ou 80 % en cas de manœuvres frauduleuses) sont, en effet, semblables à celles sanctionnant l’abus de droit « classique » et devraient être automatiquement applicables en cas d’opération à but principalement fiscal.

Par ailleurs, les dispositions qui viennent d’entrer en vigueur interrogent quant à leur définition (comment déterminer les objectifs principaux d’une opération ? comment faire la balance entre un avantage fiscal qui peut se quantifier et des effets civils et patrimoniaux qui ne se quantifient pas ?) et à leur portée (une opération légitime peut-elle être réalisée selon des modalités clairement optimisantes ?) rendant leur intelligibilité incertaine, ce qui peut constituer un motif d’inconstitutionnalité.

Le Conseil constitutionnel n’a pas initialement été saisi par les parlementaires des nouvelles dispositions mais il le sera vraisemblablement dans l’avenir par le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité, lorsque les premières rectifications surviendront (à partir de 2021).


Rencontre avec Laurence Richy du Groupe BPCE SA Direction Fiscale – Pôle Fiscalité Clientèle

Rencontre avec Laurence Richy du Groupe BPCE SA Direction Fiscale – Pôle Fiscalité Clientèle

Loin de connaître le même succès que d’autres produits d’investissement, notamment l’assurance vie, le PEA, et sa déclinaison PEA-PME, ont pourtant de quoi séduire. La loi Pacte a en effet renforcé les atouts du plan d’épargne en actions, notamment sur le volet des avantages fiscaux. De quoi faire du PEA un véritable outil de gestion patrimoniale, tout en contribuant au financement des entreprises.

 

Quel est l’intérêt d’avoir un PEA, PEA-PME, aujourd’hui ?

Le plan d’épargne en actions (PEA) et le PEA-PME bénéficient de conditions extrêmement avantageuses pour les particuliers qui souhaitent investir en actions. Tant par l’existence de dispositions limitant l’imposition des gains réalisés sur le plan en cas de retrait après 5 ans aux seuls prélèvements sociaux que par la nature des titres éligibles au plan, permettant au titulaire de participer au financement des petites et moyennes entreprises ou de taille intermédiaire.

 

Le PEA, pour quel public ?

Le PEA peut être ouvert par toute personne domiciliée fiscalement en France qui souhaite se constituer un patrimoine financier diversifié dans un cadre fiscal avantageux, tout en participant au financement des entreprises françaises et européennes cotées. Un chef d’entreprise peut également s’il le souhaite  y loger les actions non cotées de la structure qu’il dirige. Il conviendra dans ce cas de respecter avec attention les modalités de fonctionnement du plan et l’ensemble des diligences nécessaires à l’inscription de ces titres sur le plan. Le dirigeant, titulaire du plan devra notamment veiller à communiquer régulièrement ou à l’occasion d’une opération de cession, à l’établissement gestionnaire du plan, la valeur réelle des titres concernés pour permettre une gestion efficiente du plan dans le respect de la réglementation.

 

La loi PACTE apporte-t-elle réellement plus de souplesse au PEA et au PEA PME ?

La réponse est OUI. La loi Pacte contribue à assouplir le fonctionnement du PEA (et du PEA-PME) dont le fonctionnement et le régime fiscal sont strictement encadrés.

Ainsi, depuis le 22 mai 2019, le régime fiscal du PEA dépendra de la durée de détention du plan à la date d’un retrait partiel ou total dont la date charnière est fixée au 5ème anniversaire du plan. Avant la réforme, tout retrait avant 8 ans entrainait la clôture du plan, les gains étant soumis à l’impôt sur le revenu si le retrait intervenait avant 5 ans. Les retraits partiels réalisés après 8 ans n’entraînaient pas la clôture du plan, mais il était impossible d’effectuer des versements complémentaires.

Désormais, le retrait de sommes ou valeurs sur le plan entraine sa clôture s’il intervient avant le 5ème anniversaire. Les retraits après 5 ans n’entrainent pas la clôture du plan et il est possible d’effectuer de nouveaux versements après un retrait, dans la limite des plafonds de versements autorisés.

Il est par ailleurs possible d’effectuer des retraits partiels avant le 5ème anniversaire du plan, sans que ces derniers n’entrainent sa clôture lorsque ces retraits sont consécutifs soit à une mise à la retraite anticipée, à une invalidité de 2ème ou 3ème catégorie ou à un licenciement. Dans ce cas, de nouveaux versements peuvent être envisagés après le retrait dans la limite des plafonds.

Il faut rappeler la loi de finances pour 2018 a modifié les modalités d’imposition des gains constatés sur un PEA.

Ainsi, en tenant compte de celles introduites par la loi PACTE, les gains constatés sur le plan (résultant de la perception de dividendes et de la réalisation de plus-values) ne sont soumis à l’impôt sur le revenu que si le retrait de sommes ou valeurs intervient avant le 5ème anniversaire. Ils sont alors soumis à une imposition au taux forfaitaire de 12,8 % (PFU), ou, sur option, au barème progressif de l’IR (option globale s’appliquant à l’ensemble des revenus et gains entrant dans le champ du PFU perçus ou réalisés par les membres du foyer fiscal au cours d’une même année). Ils supportent également les prélèvements sociaux au taux global de 17,2%.

Après 5 ans, les gains constatés lors du rachat ne sont soumis qu’aux prélèvements sociaux au taux global actuellement fixé à 17,2 %.

Avant le 1er janvier 2018 et avant 5 ans de détention, les gains constatés à la clôture automatique lors d’un retrait, étaient imposés à 36,2 % (19 % +17,2 %) si la clôture intervenait entre 2 et 5 ans, et à 39,7 % (22,5 % +17,2 %) entre 0 et 2 ans.

 

Le PEA « jeune » permettra-t-il de sensibiliser les jeunes au développement des entreprises ?

La notion de PEA « jeune » n’existe pas. Un PEA peut désormais être ouvert par toute personne physique majeure ayant son domicile fiscal en France, y compris les personnes rattachées à un foyer fiscal (enfants de 18 à 25 ans rattachés dans les conditions en vigueur ou invalides à charge). Cet élargissement concerne le PEA dit « classique » mais pas le PEA-PME. Jusqu’à la fin du rattachement, les versements en numéraire sont toutefois limités à 20 000 €. Après la période de rattachement, le plafond du plan sera porté à 150 000 €.

Le respect du plafond de versement de 20 000 euros relève de la seule responsabilité du titulaire du plan. L’établissement gestionnaire du plan n’a quant à lui qu’un devoir d’information du titulaire quant au risque de non-respect du plafond de 20 000 €.

De part cette nouveauté, le législateur a voulu permettre aux jeunes de se familiariser avec l’investissement en actions. Il s’agit donc d’un outil pédagogique et patrimonial destiné à orienter l’épargne vers les entreprises qui ont besoin de se financer pour se développer et créer des emplois.

 

L’élargissement des supports du PEA-PME, permettra-t-il de toucher un plus large public ?

Le législateur a souhaité renforcer l’attractivité du PEA-PME, en permettant son ouverture aux titres émis dans le cadre du financement participatif (plateformes de crowdfunding), tels que les titres participatifs, les obligations à taux fixe et les minibons et en simplifiant le transfert des titres de sociétés non cotées et les modalités de gestion du PEA-PME.

Il est par ailleurs à noter que les plafonds d’un PEA et d’un PEA PME souscrits par un même titulaire peuvent être mutualisés.

Ainsi, le plafond du PEA PME a été porté à 225 000 euros. Cela étant, si un contribuable détient à la fois un PEA et un PEA PME, le montant total des versements réalisés sur les deux plans ne pourra excéder 225 000 euros. Ainsi une personne titulaire d’un PEA qui aurait réalisé 70 000 euros de versement sur son plan pourrait envisager de souscrire un PEA PME sur lequel le montant des versements pourrait être au maximum de 155 000 euros.

 


Rencontre avec Marc Briand, Head of Fixed Income, Mirova

Rencontre avec Marc Briand, Head of Fixed Income, Mirova

 Mirova est l’un des pionniers de l’investissement responsable en France. Avec plus de 10 milliards d’euros d’encours sous gestion, il séduit des investisseurs toujours plus nombreux, grâce à un processus de sélection des actifs extrêmement rigoureux. Une preuve que l’asset management peut appliquer des critères exigeants en matière d’investissement responsable tout en visant la performance.

 

En quoi consiste une approche socialement responsable en matière de gestion d’actifs ?

L’investissement socialement responsable (ISR) regroupe des pratiques encore très variées dans le secteur financier. Les gérants n’adoptent pas tous le même niveau de contraintes, n’appliquent pas tous le même degré de sélection dans les valeurs. Chez Mirova, la société de gestion affiliée à Natixis Investment Managers dédiée à l’investissement durable, nous pratiquons un investissement socialement responsable de conviction. Pour cela, nous nous sommes fixés des objectifs clairs  : l’ensemble de notre gestion est alignée sur un scénario de réchauffement climatique de +2 °C. Quant à nos portefeuilles obligataires, ils respectent un scénario +1,5°C. La gestion « classique », ou légèrement teintée d’ISR, reflète quant à elle un scénario moyen de +3,5°C à + 4°C. Nous sommes en mesure de prouver que nous menons une gestion de conviction ce qui, aujourd’hui, est un enjeu de crédibilité pour le secteur.

 

Quel est le poids de la collecte ISR au sein du secteur de la finance ?

Elle est encore minoritaire, mais en croissance forte. Celle-ci est notamment soutenue par la gestion privée et le family office. Les investisseurs sont, en effet, de plus en plus nombreux à vouloir donner du sens à leurs placements, notamment la génération dite des millenials. La tendance est également forte dans des pays comme le Canada, les Pays-Bas, la Suisse, la Belgique, le Luxembourg ou l’Irlande. Leurs acteurs bancaires n’hésitent pas à se tourner vers notre expertise.

 

L’investissement responsable est-il un argument marketing ou un changement en profondeur du secteur de la finance ?

La crise des subprimesa marqué le monde de la finance car chaque acteur, à son niveau, portait un degré de responsabilité. Il en a découlé une prise de conscience et une volonté réelle de financer un monde plus durable. Il est vrai que les pratiques en matière d’ISR demeurent encore hétérogènes, mais les mentalités ont évolué, que ce soit du côté des investisseurs particuliers ou des établissements financiers. Beaucoup de banques ont ainsi noué des partenariats avec Mirova, pour être en mesure de proposer une offre ISR à leurs clients.

 

Comment cette approche responsable se traduit-elle dans votre sélection de valeurs et votre gestion ?

Nous avons une équipe de plus de 100 experts, dont 10 analystes ESG, qui effectuent une analyse absolue de chaque actif, selon un principe risques/opportunités. Nous analysons les pratiques des entreprises face aux enjeux du développement durable, de la gouvernance, notamment sous le prisme des principes fixés par les Nations-Unies. Nous évaluons également leurs émissions carbones, y compris les émissions évitées, dans une approche cycle de vie -l’approche la plus complète-, afin de juger si la société s’inscrit dans le scénario de réchauffement climatique soutenable selon la communauté internationale. Nous appliquons cette méthode à tous les types d’actifs, et la conjuguons avec une approche financière traditionnelle.

Sur le marché obligataire, nous privilégions les émissions vertes des entreprises, des agences, régions ou des Etats. Sur nos 2 milliards d’euros d’encours obligataires, les obligations vertes et sociales pèsent 1,2 milliard.

En termes de stratégie, nous investissons en analysant les grandes transitions qui vont restructurer le monde, comme le vieillissement de la population, la digitalisation…  Nous sélectionnons les entreprises bien positionnées par rapport à ces transitions, celles qui ont un business modelinnovant.

Nous nous impliquons ensuite auprès des entreprises dans lesquelles nous avons investi. Nous les encourageons à modifier leurs pratiques, pour aller vers un modèle toujours plus durable et responsable.

 

Tous les secteurs d’activité peuvent-ils être présents dans un fonds ISR, même ceux qui semblent en opposition avec l’idée même d’investissement responsable ?

Cela dépend des exigences des fonds. Certains, sur le marché, se contentent d’une approche « best in class », qui consiste à prendre le moins mauvais acteur d’un secteur, y compris de ceux qui n’apportent pas de solutions aux enjeux du développement durable comme le secteur pétrolier.

Nous avons choisi une approche « best in universe ». Nous n’hésitons pas à exclure des secteurs entiers, si nous ne les jugeons pas compatibles avec nos objectifs en matière d’ISR. Voilà pourquoi aujourd’hui, nous n’avons aucune valeur pétrolière dans nos fonds car aucun groupe n’a été assez loin dans sa transition vers les énergies renouvelables. Nous excluons également d’emblée les secteurs qui ne sont pas éthiques, comme le jeu ou le tabac. Sur le segment obligataire, 26 % des émetteurs sont ainsi exclus de notre univers d’investissement.

 

L’approche ISR est-elle aussi performante que les autres types de gestion d’actifs ?

La performance a vocation à être en ligne ou supérieure avec celle de la gestion classique, mais présente une plus forte volatilité. Sur un horizon de moyen terme, de 3 à 5 ans, l’ISR permet d’éviter d’une part les cygnes noirs, comme les entreprises qui se retrouvent à gérer des procès coûteux et dont le cours de bourse s’effondre ou des produits que ne correspondent pas aux enjeux du développement durable. D’autre part favorise les entreprises gagnantes de demain, dont les cours, à l’inverse, s’apprécient sur la durée.

Côté obligataire, ce principe est également à l’œuvre. Nous avons, par exemple, en portefeuille le producteur d’électricité Energia de Portugal. Il a réorienté sa stratégie vers le solaire et l’éolien il y a déjà plusieurs années. Cela lui a fait gagner des parts de marché. Il y a un an et demi, sa note a été relevée par Moody’s. L’émetteur est passé de la catégorie high yield(haut rendement) à investment grade(première qualité), créant de la valeur pour le porteur de dette. Quant aux obligations vertes et sociales, elles procurent le même rendement que les titres classiques. Nous sommes convaincus que cette gestion ISR performante, centrée sur le développement durable, a vocation à se développer.


Rencontre avec Brigitte PIERRESTEGUY

Rencontre avec : Brigitte PIERRESTEGUY, Directrice Gestion Financière de la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes.

 

Composante essentielle d’un crédit, le taux est une donnée qui intéresse l’emprunteur autant que la banque. Sa composition dépend à la fois du contexte concurrentiel de marché du crédit et des conditions de financement des banques elles-mêmes. Des conditions qui s’avèrent actuellement complexes pour les établissements bancaires, mais qui sont parfois mal connues par les emprunteurs.

 

Quel est le contexte de taux actuel et comment s’explique-t-il ?

« Nous sommes dans un environnement de taux très bas, qui perdure depuis plusieurs années. Il complique le travail des banques, qui consiste à gérer la transformation entre leurs ressources, qui sont généralement placées pour des durées courtes, et les demandes de financement qui leur sont faites, le plus souvent sur des durées longues. Dans le jargon, on parle de pente des taux. Le travail de la gestion financière de la banque est plus aisé lorsque que la pente, c’est-à-dire l’écart entre ces taux est élevé, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Il existe plusieurs raisons à cela. Nous sommes dans un contexte d’incertitudes très fort, partout dans le monde. Les États-Unis mènent une politique protectionniste et sont engagés dans une guerre commerciale avec la Chine. En Europe, le manque de visibilité est causé notamment par le Brexit, les craintes sur le budget Italien, les incertitudes concernant la politique de la Banque Centrale Européenne (BCE) ; plusieurs lignes de refinancement arrivent à échéances en 2021 : seront-elles renouvelées ? Or les marchés financiers ont horreur de l’incertitude, cela nuit à leur performance.

D’autre part, pour que les taux remontent, il faudrait que l’inflation redémarre. Or cela semble peu probable dans l’immédiat, les perspectives de croissance n’étant guère optimistes.

La combinaison de ces différents facteurs laisse donc penser que les taux vont rester sur des niveaux très bas, tandis qu’il sera difficile de trouver de la liquidité et du rendement sur les marchés financiers. »

 

Quels sont les impacts de ce contexte pour la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes ?

« Tout l’enjeu réside dans l’équilibre que nous devons trouver entre nos ressources commerciales, et les crédits que nous accordons, que nous nommons nos emplois. La crise de liquidité de 2009 nous a en effet appris à limiter notre dépendance au marché financier.

La Région Nouvelle Aquitaine a la particularité d’être très dynamique, avec des villes fortement attractives, comme Bordeaux, Biarritz et La Rochelle. La population croît, veut acheter des logements. Dans le même temps, les prix de l’immobilier montent. Les demandes de crédits immobiliers sont donc plus nombreuses, pour des montants et des durées de plus en plus élevés. Il y a une dizaine d’années encore, la plupart des crédits immobiliers se faisaient sur 15 ans ; aujourd’hui des crédits sur 20 ou 25 ans sont très courants. Ce dynamisme joue pour tous les types de crédits, qu’ils soient personnels ou professionnels. Les emplois auxquels fait face la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes sont donc de plus en plus conséquents.

Nous devons également faire face au fait que les habitants de la région ont moins d’épargne, moins d’argent à placer, notamment parce que les prix de l’immobilier ont grimpé. L’acquisition immobilière mobilise une plus grande part de leur épargne. Un déséquilibre s’est donc créé pour les banques, renforcé par leur difficulté à trouver de la liquidité sur les marchés et par les renégociations de taux à la baisse effectuées par les emprunteurs.

Les emprunteurs et clients des banques en sont toutefois peu conscients. Bien renseignés, ils savent que le contexte de taux est bas et ils négocient à la baisse le taux de leurs emprunts. Toutefois, ils souhaitent aussi obtenir pour leurs placements des rentabilités élevées. Or, il est financièrement difficile pour les banques de pouvoir proposer des crédits à 1,50%  sur 15 ans d’une part, et des rendements à 1,50 % sur quatre ans pour les placements d’autre part.

Désormais, le crédit n’est plus rentable pour les banques. Il demeure cependant un incontournable produit d’appel et un service d’intermédiaire que ces dernières ont le devoir de proposer, afin de répondre aux besoins en financement de leurs clients. »

 

Comment sont fixés les taux proposés aux clients ?

« Nous partons d’un principe financier très simple : nous déterminons d’abord combien le produit nous coûte. Pour un crédit sur 15 ans, cela correspond au prix que la banque obtient pour se financer sur les marchés sur cette durée.

À cela s’ajoutent ensuite les coûts de la gestion du crédit dans le temps, de sa commercialisation et enfin, composante majeure, le coût du risque supporté par la banque. Cela dépend du profil de l’emprunteur. Si ce dernier a peu de chance de faire défaut et présente un profil de risque satisfaisant, le coût du crédit sera inférieur à celui d’un profil plus risqué.

Enfin, un dernier élément peut jouer sur le taux : il s’agit de la contrepartie apportée par le client. Nous pouvons proposer un taux inférieur lorsque l’emprunteur domicilie ses revenus et son épargne dans notre établissement. Notre objectif est avant tout de trouver une proposition satisfaisante pour les deux parties. »

 


Rencontre avec Sandrine Vincelot-Guiet

Sandrine Vincelot-Guiet, directeur conseil et sélection OPCVM chez VEGA Investment Managers.

Depuis le début des années 2000, VEGA Investment Managers s’occupe de la gestion sous mandat des investisseurs de la Banque privée Caisse d’Epargne. Sandrine Vincelot-Guiet explique comment le savoir-faire des gérants permet d’élaborer une allocation d’actifs, puis une gestion de portefeuille, qui reflètele profil de chaque investisseur.


Quelle part prend l’allocation d’actifs dans la performance d’un portefeuille financier ?

Une part essentielle pour 3 raisons :

La 1ère : L’allocation d’actifs est la base essentielle à tout portefeuille. Elle est conçue pour s’adapter aux besoins des clients, à leur profil de risque et à leur horizon d’investissement. Une allocation pertinente est indispensable pour pouvoir ensuite mener une gestion de portefeuille cohérente.

La 2ème : elle permet  d’optimiser le portefeuille dès sa conception, nous avons ensuite les moyens de rester investis quelles que soient les conditions de marché, tout en préservant les intérêts de l’investisseur.Au cours de ces dernières années, le contexte a été marqué par des taux d’intérêt très faibles et des marchés actions plus ou moins volatiles selon les zones géographiques :, l’aménagement de l’allocation d’actifs est alors le facteur discriminant qui permet de bâtir une stratégie sur le moyen/long terme, stratégie qui peut ensuite faire l’objet d’ajustements tactiques à court terme.

Enfin, la 3ème raison mise en avant est la diversification des portefeuilles au service des choix d’allocation d’actifs.  Elle nous permet non seulement de procéder à des arbitrages entre les trois grandes classes d’actifs que sont l’obligataire, les actions et le monétaire, mais aussi d’affiner encore notre allocation en adoptant des biais sectoriels, thématiques, géographiques, de style de gestion, de segmentation de marché … Au sein de la classe obligataire, nous pouvons par exemple sélectionner des typologies de gestion  différentes, comme les fonds en obligations d’Etat, high yield (haut rendement) ou l’investment grade (titres bien notés) ainsi que des zones géographiques différentes (pays, zone euro, Europe, US, pays émergents, …)

Confier sa gestion à un professionnel des marchés permet de réaliser tous ces arbitrages en adéquation avec le profil de risque de l’investisseur.

 

Quelles sont les règles d’or à respecter pour bâtir et mettre en œuvre une allocation d’actifs pertinente ?

3 principales règles :

La 1ère règle est de savoir traduire l’allocation d’actifs à travers une sélection de supports d’investissement adapté.. Chez VEGA Investment Managers, depuis une vingtaine d’année, nous avons élaboré un process robuste  d’analyse et de sélectionde fonds, qui s’accompagne d’un suivi régulier dans le temps. Ainsi  pour la gestion sous mandat qui nous est confiée , les gérants ont accès à une liste étoffée et diversifiée de fonds, puisque nous travaillons en architecture ouverte pour leur sélection. Outre les fonds, nous avons également une longue expérience dans la sélection de titres vifs.

Nous effectuons notre sélection de fonds via un procédé rigoureux et collégial : notre équipe de quinze experts en multigestion se réunit ainsi en comité chaque semaine. Nous nous intéressons à toutes les classes d’actifs et toutes les zones géographiques et procédons à des analyses quantitatives et qualitatives.

Arrive alors la deuxième règle pour mettre en œuvre une allocation d’actifs pertinente, c’est la diversification dans la construction de portefeuille : savoir assembler des supports d’investissement de manière optimale en évitant des concentrations de corrélation.

Une gestion pertinente impose ensuite de faire évoluer le portefeuille. Pour cela, nous pouvons procéder à des arbitrages entre les classes d’actifs. Sur les portefeuilles équilibrés, nous venons par exemple de faire passer la part de la poche actions de 52 % à 54 %. Nous pouvons également procéder à des arbitrages au sein des classes d’actifs elles-mêmes. Dans la poche actions, nous avions ainsi, le mois dernier, pris des bénéfices sur une partie des titres de croissance et nous nous sommes positionnés, pour du court terme, sur de la gestion value avant de retourner les positions

Pour conclure, la 3ème règle d’or est de ne jamais laisser dormir un portefeuille. Nous ajustons nos décisions d’allocation et de construction de portefeuille en fonction de plusieurs paramètres :

  • Le contexte macroéconomique
  • La dynamique microéconomique (annonces d’entreprises, perspectives d’évolution…)
  • L’évolution des politiques monétaires
  • Les flux sur les marchés
  • La psychologie des marchés.

Sans un suivi professionnel de tous ces critères et des prises de décisions en conséquence, un portefeuille risque de sous-performer.

 

L’année 2018 marque le grand retour de la volatilité sur les marchés financiers. Selon votre expérience des dernières grandes crises, en quoi l’allocation d’actifs permet-elle de passer ces périodes chahutées ?

Nous avons près de 20 ans d’expérience dans la gestion d’actifs et avons donc déjà connu plusieurs crises. La gestion patrimoniale de VEGA I M s’exprime à différents niveaux dans la construction des portefeuilles. Notre principe est de s’appuyer sur un cœur de valeur de croissance pour son coté résilience (meilleur résistance à la baisse en cas de forte correction des marchés). Ainsi, pendant la crise de 2008, cette approche stratégique a permis à notre gestion sous mandat de mieux résister, avec notamment pour les PEA une baisse de 10 % de moins que le marché.

D’autre part, nous sommes également à même d’aller chercher le rendement sur toutes les classes d’actifs, en fonction des évolutions du marché. Depuis la fin de l’année 2017, nous avons notamment débouclé nos positions sur les fonds obligations High Yield, sur les petites et moyennes capitalisations, pour privilégier de nouveau notre cœur de stratégie, la gestion de croissance.

 

En somme, l’allocation d’actifs est un gage de tranquillité pour les investisseurs ?

Effectivement, avec des choix qui sont suivis, surveillés, adaptés lors de notre comité d’allocation d’actifs hebdomadaire rassemblant les gérants de nos pôles d’expertises (allocataires, actions, taux, sélectionneurs de fonds et gérants sous mandat)

Une fois que les choix d’allocation sont faits, le gérant d’actifs va mettre ses connaissances du marché au service de l’investisseur en faisant un suivi du portefeuille. Ce suivi est primordial. D’ailleurs, au-delà de nos comités d’allocation hebdomadaires, nous sommes en mesure de prendre rapidement des décisions sur nos portefeuilles pour nous adapter à une évolution soudaine de marché.

Le savoir-faire des gérants est indispensable car ils ont une aversion au risque différente des particuliers. Ce recul leur permet de prendre des décisions qui conservent la cohérence du portefeuille sur la durée.  Quelle que soit la solution choisie (GSM modélisée ou GSM Personnalisée accessible à partir de 750 000 euros), la valeur ajoutée du gérant réside avant tout dans sa capacité à construire un portefeuille en ligne avec l’allocation d’actifs et le profil de risque, puis à préserver l’investissement en réalisant des arbitrages au sein du portefeuille, grâce à sa connaissance et son accès aux marchés financiers.


Entretien Nicole Laur-Arrestier

Nicole Laur-Arrestier, ingénieur crédit à la Banque Privée de la Caisse d’Épargne Aquitaine Poitou-Charentes.


Avec le remplacement de l’ISF par l’IFI, peut-il être plus intéressant pour un contribuable d’acquérir ses biens immobiliers dans le cadre d’une société plutôt qu’à titre individuel ?

Avec l’Impôt sur la Fortune Immobilière, le passif déductible de la base de l’IFI est différent selon que les dettes aient été souscrites à titre personnel (ndlr : CGI. art.974 –passif déductible) ou bien souscrites par une société détenant les actifs immobiliers (ndlr : CGI. art.973 – règles d’évaluation des biens). Et, dans ce cadre, deux dispositifs font qu’il est plus favorable, aujourd’hui, d’acquérir ses biens immobiliers à travers une société.

Le premier concerne la non application aux dettes souscrites par la société d’une partie des clauses anti-abus prévues pour les dettes souscrites à titre personnel.

Le second, permet d’optimiser le ratio utilisé pour calculer la valeur taxable des titres de société et donc de réduire la fraction taxable, au titre de l’IFI, des actifs immobiliers détenus en société.

Mais attention : il s’agit là de dispositifs qui nécessitent de maîtriser certaines subtilités. Pour les mettre en œuvre, le contribuable soumis à l’IFI a donc tout intérêt à se faire accompagner par un spécialiste. Cela lui évitera toute « mauvaise surprise » de la part de l’administration fiscale.

Vous avez évoqué la déductibilité du passif personnel. A ce propos quelles sont les particularités à connaître en la matière ?

Tout d’abord, précisons que nous nous attacherons à la notion de passif personnel uniquement du point de vue des dettes financières. Pour être déductibles, ces dettes doivent être afférentes à des actifs imposables, exister au 1er janvier de l’année d’imposition et avoir été contractées et effectivement supportées par le contribuable soumis à l’IFI ou un membre de son foyer fiscal. Parmi ces dettes on va donc retrouver : les emprunts contractés pour l’acquisition de biens ou droits immobiliers, pour réaliser des travaux de construction, d’amélioration ou d’agrandissement et pour l’acquisition de titres de sociétés (ndlr : mais seulement au prorata de la valeur des titres représentatifs d’actifs immobiliers).

Toutefois, ce mécanisme de déduction est « encadré » par certains « garde-fous » ou dispositifs anti-abus (voir rubrique « Décryptage : Bien comprendre la déductibilité des dettes ») Parmi ceux-ci on retrouve  la déduction des prêts « in fine » qui sera limitée et dégressive sur la durée initiale du prêt (calcul d’un amortissement théorique) et la limitation du passif déductible. Ainsi, lorsque l’actif taxable brut sera supérieur à 5 M€ et que les dettes seront supérieures à 60% de l’actif taxable, la fraction de la dette excédant cette limite ne sera déductible qu’à hauteur de 50% de l’excédent. Il faut préciser que cette règle ne s’applique que si les dettes ont un caractère principalement fiscal*.

Mais ces clauses ou dispositifs anti-abus ne s’appliquent pas aux prêts souscrits par une société ?

En effet, l’article 973 du CGI qui fixe les règles d’évaluation et de déductibilité du passif des sociétés détenant des actifs immobiliers ne mentionne pas de retraitement des dettes « In Fine ». Le principe de retraitement des dettes « In Fine » ne semble donc toujours pas s’appliquer aux prêts souscrits par une société. Par conséquent, la dette « In Fine » resterait déductible dans sa totalité jusqu’à son échéance. De plus, les dettes souscrites par les sociétés et prise en compte pour la valorisation des titres conformément à l’article 973 du CGI, ne sont pas non plus soumises à la limitation du passif déductible.

Un mot sur la déductibilité des dettes de refinancement

Selon le Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFIP-Impôts) : « Est déductible la dette résultant du rachat d’un prêt par un établissement bancaire lorsque la dette correspondant au prêt racheté était elle-même déductible. » Toutefois, cette information manque de précisions. Quand est-il lorsque le rachat intègre un nouvel étalement de la dette et donc une augmentation de la durée de la dette ?  Cette situation susceptible de créer un gain fiscal présenterait-elle un risque de « requalification » sur le plan de l’abus de droit ?

Toujours concernant les dettes déductibles et la possibilité de réduire le montant de son IFI à travers une société, qu’en est-il des comptes courants d’associés dans une SCI ?

Par principe, les prêts souscrits par la société auprès du foyer fiscal IFI, cercle familial ou société contrôlée par le foyer fiscal IFI ou le cercle familial du redevable, destinés à l’acquisition de biens et droits réels immobiliers ou travaux immobiliers, sont non déductibles à proportion des titres détenus par le contribuable et son foyer fiscal IFI.

Prenons un exemple : un redevable détient 30% du capital social et un compte courant d’associé de 30 000 euros. Le compte courant est déductible à hauteur de 70%, soit 21 000 euros pour la valorisation de ses titres.
Cependant, si le redevable justifie que le compte courant n’a pas été contracté dans un objectif principalement fiscal*, le compte courant est déductible dans sa totalité.
Ainsi, l’objectif principalement fiscal pourra être écarté si les dettes ont été contractées avant le 1er janvier 2018 ou avant que le foyer fiscal soit redevable de l’IFI.  Par ailleurs, les versements en comptes courants d’associés au fur et à mesure des échéances de remboursement de prêt nécessaires à l’équilibre financier devraient être déductibles. C’est le cas lorsqu’il s’agit de faire face à une carence locative, par exemple.

Et concernant les stratégies de vente à soi-même, sont-elles mises en danger à travers l’IFI ?

Clairement oui ! La constitution d’un compte-courant d’associé ou d’une dette bancaire souscrite dans le cadre d’une opération de vente à soi-même (ndlr : vente d’un immeuble que l’on détient en direct à une société civile que l’on contrôle) sont non déductibles pour la valorisation IFI des titres de la société.

En conclusion, si aviez trois messages essentiels à faire passer à ceux qui envisagent de « passer  en société » pour faire baisser leur IFI, quels seraient-ils ?

Si les biens immobiliers sont déjà détenus dans des SCI, il peut être intéressant, pour diluer l’actif immobilier de souscrire des emprunts bancaires pour financer des actifs non immobiliers et faire jouer le mécanisme du coefficient immobilier*.  Mais l’augmentation de l’actif non imposable par voie d’apport en compte courant d’associé (non déductible) ne permettra pas d’optimiser la base taxable à l’IFI.

En revanche, mieux vaut éviter de mélanger l’immobilier imposable et les actifs non imposables pour les nouvelles acquisitions immobilières. Ainsi, une société ne détenant que des actifs financiers dont la valeur économique des titres serait de 500 k€, ( exclus de la base taxable à l’IFI) qui achèterait un bien immobilier de 200 k€ financé par crédit bancaire  génèrerait une imposition d’une partie de cet actif financier à l’IFI par le mécanisme du coefficient immobilier, en comparaison de la situation où l’actif aurait été acquis directement par le redevable ou au travers d’une société dédiée.

Enfin, loger l’actif immobilier avec sa dette d’acquisition dans une structure dédiée permet d’éviter :

  • De créer un coefficient immobilier déconnecté de la valeur nette réelle de l’immobilier.
  • L’application des règles anti-abus applicables aux dettes souscrites directement par le contribuable.

*Notion d’objectif principalement fiscal

Elle s’apprécie au regard  du montant de l’économie d’IFI résultant de la minoration de l’assiette imposable à l’IFI rapporté à l’ensemble des gains ou avantages de toute nature obtenus du fait du montage. La charge de la preuve incombe au contribuable.

*Principe du coefficient immobilier

Les titres de sociétés sont imposables à concurrence de la valeur représentative des actifs immobiliers.

Coefficient immobilier = valeur vénale des actifs immobiliers détenus par la société /valeur vénale de l’ensemble des actifs détenus

Valeur taxable des titres = valeur vénale des titres majorée du montant  des dettes non déductibles*coeff. immobilier.