
Le démembrement de propriété est fréquemment utilisé en matière de transmission mais aussi pour structurer la détention d’un patrimoine… Quelles sont ses modalités ? Ses conséquences ? Ses atouts ? Éléments de réponse.
Qui dit démembrement dit, à la base, droit de propriété. Celui-ci confère à la personne qui le possède, tous les droits qu’il est possible d’avoir sur un bien. A savoir :
– le droit de détenir et d’utiliser le bien ou la chose (l’usus) ;
– le droit de percevoir les revenus (fruits) provenant du bien ou de la chose (le fructus) ;
– le droit de disposer du bien ou de la chose. Autrement dit de le vendre, le donner, le modifier. (l’abusus).
Ce droit de propriété peut être démembré. C’est-à-dire faire l’objet d’une répartition des prérogatives qu’il confère. Dans ce cas, il donne alors lieu à la coexistence de deux droits réels : la nue-propriété et l’usufruit. Des droits dits réels* et qui peuvent donc être transmis à titre gratuit (par donation ou testament), à titre onéreux (vente, échange, apports en société) ou encore donnés en garantie (sous forme d’hypothèque). Le démembrement peut être organisé ab initio (par voie d’acquisition par le nu-propriétaire et l’usufruitier de leurs droits respectifs), par voie de rétention (donation avec réserve d’usufruit ou cession de nue-propriété par l’usufruitier) ou par voie de translation (donation ou cession de son droit par l’usufruitier).
La nue-propriété
Le nu-propriétaire n’a pas la possibilité d’entrer en possession du bien, de l’utiliser et d’en percevoir les fruits et revenus. Ces trois prérogatives appartiennent à l’usufruitier. Ce n’est qu’à l’extinction de l’usufruit, que le nu-propriétaire devient automatiquement plein propriétaire et ce, sans aucune imposition. Toutefois, son droit est protégé pendant toute la durée du démembrement, puisque pour céder le bien en pleine propriété, l’usufruitier doit obligatoirement recueillir son accord. L’usufruitier et le nu-propriétaire ne peuvent donc disposer librement que de leur droit réel respectif.
L’usufruit
L’usufruit est un droit réel temporaire. Il permet à son titulaire (usufruitier) de jouir d’un bien dont une autre personne a la propriété (le nu-propriétaire). A charge pour l’usufruitier d’en assurer la conservation et l’entretien. Toutefois, si le démembrement porte sur un bien immobilier, en cas de grosses réparations, celles-ci sont à la charge du nu-propriétaire.
Si l’usufruitier est une personne physique, son droit prend fin au jour de son décès. On parle alors d’usufruit viager. Toutefois, l’usufruit peut également être temporaire (consenti pour une période donnée). Le nu-propriétaire récupérera alors la pleine et entière propriété au terme du délai fixé ou au décès de l’usufruitier s’il intervient avant ce terme.
Si c’est une personne morale, l’usufruit ne peut être que d’une durée maximale de 30 ans.
Sachez également que l’usufruit peut porter sur tous les biens meubles et immeubles y compris sur une somme d’argent. On parle alors de quasi-usufruit.
Le quasi-usufruit
On distingue deux types de quasi-usufruit : légal et conventionnel (voir notre article Décryptage). Dans tous les cas, le quasi-usufruit confère à l’usufruitier le pouvoir de disposer du bien, à charge pour lui de restituer le bien objet du quasi-usufruit ou sa valeur lors de l’extinction de son droit. Le nu-propriétaire ne bénéficie dans ce cas que d’un droit de créance.
Afin de protéger le nu-propriétaire, il est conseillé :
– d’établir une convention de quasi-usufruit (par acte sous seing privé ou devant un notaire) ;
– de procéder à l’enregistrement de cette créance (si la convention n’a pas été rédigée en la forme authentique).
Ainsi, la créance du nu-propriétaire constituera un élément du passif successoral du quasi-usufruitier, qui réduira l’assiette taxable aux droits de succession.
Quelle évaluation des droits ?
Pour déterminer l’assiette des droits de mutation à titre gratuit (donations, successions) ou à titre onéreux (ventes, échanges), les valeurs fiscales de l’usufruit et de la nue-propriété sont fixées forfaitairement à une fraction de la valeur de la pleine propriété du bien. Cette évaluation est déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier, conformément à un barème établi par l’administration fiscale, si l’usufruit est viager, ou à 23% de la valeur en pleine propriété par période de 10 ans, si l’usufruit est temporaire.
Cette évaluation est distincte de l’évaluation économique retenue pour déterminer le prix de cession d’un droit d’usufruit ou de nue-propriété selon la méthode d’actualisation des flux de revenus futurs.
Quelle fiscalité pour les droits démembrés ?
L’imposition sur le revenu ainsi que les prélèvements sociaux sont supportés par l’usufruitier puisque c’est lui qui les perçoit. Ces revenus seront taxables selon la nature du bien démembré (revenus fonciers s’il s’agit d’un bien immobilier, revenus mobiliers s’il s’agit d’un portefeuille de valeurs mobilières,…). Enfin, concernant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), il faut savoir que les biens grevés d’usufruit sont compris dans le patrimoine de l’usufruitier pour leur valeur en pleine propriété. Il est donc le seul à intégrer le bien à son actif taxable à l’ISF.
Que se passe t-il en cas de cession des droits ?
L’usufruitier, comme le nu-propriétaire, ont la possibilité de céder leurs droits respectifs.
Si la cession porte sur un droit d’usufruit viager ou de nue-propriété, le gain sera taxable selon le régime de droit commun des plus-values (plus-values immobilières des particuliers ou plus-values mobilières).
Les règles de cette taxation sont déterminées en fonction:
– de la nature du bien qui fait l’objet du démembrement ;
– de la situation antérieure au démembrement (notamment concernant les droits sociaux démembrés) ;
– des circonstances de l’acquisition et de la cession du bien démembré ou du droit portant sur le bien.
Si la cession porte sur un usufruit temporaire, le produit de la première cession à titre onéreux ou, si elle est supérieure, sa valeur vénale, est imposable dans la catégorie de revenu susceptible d’être procuré par le bien objet de l’usufruit temporaire (et non pas selon le régime des plus-values).
Enfin, sachez qu’en cas de vente d’un bien démembré, le démembrement peut soit prendre fin par le partage du prix entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, soit se poursuivre sur un autre bien ou encore se poursuivre sous une autre forme (le quasi-usufruit).
* Par opposition à un droit personnel (comme le droit d’usage ou le droit d’habitation) qui, lui, est incessible, intransmissible et insaisissable.