Il y a 4 années

Rencontre avec Brigitte PIERRESTEGUY

Brigitte PIERRESTEGUY, Directrice Gestion Financière de la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou-Charentes

Rencontre avec : Brigitte PIERRESTEGUY, Directrice Gestion Financière de la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes.

 

Composante essentielle d’un crédit, le taux est une donnée qui intéresse l’emprunteur autant que la banque. Sa composition dépend à la fois du contexte concurrentiel de marché du crédit et des conditions de financement des banques elles-mêmes. Des conditions qui s’avèrent actuellement complexes pour les établissements bancaires, mais qui sont parfois mal connues par les emprunteurs.

 

Quel est le contexte de taux actuel et comment s’explique-t-il ?

« Nous sommes dans un environnement de taux très bas, qui perdure depuis plusieurs années. Il complique le travail des banques, qui consiste à gérer la transformation entre leurs ressources, qui sont généralement placées pour des durées courtes, et les demandes de financement qui leur sont faites, le plus souvent sur des durées longues. Dans le jargon, on parle de pente des taux. Le travail de la gestion financière de la banque est plus aisé lorsque que la pente, c’est-à-dire l’écart entre ces taux est élevé, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Il existe plusieurs raisons à cela. Nous sommes dans un contexte d’incertitudes très fort, partout dans le monde. Les États-Unis mènent une politique protectionniste et sont engagés dans une guerre commerciale avec la Chine. En Europe, le manque de visibilité est causé notamment par le Brexit, les craintes sur le budget Italien, les incertitudes concernant la politique de la Banque Centrale Européenne (BCE) ; plusieurs lignes de refinancement arrivent à échéances en 2021 : seront-elles renouvelées ? Or les marchés financiers ont horreur de l’incertitude, cela nuit à leur performance.

D’autre part, pour que les taux remontent, il faudrait que l’inflation redémarre. Or cela semble peu probable dans l’immédiat, les perspectives de croissance n’étant guère optimistes.

La combinaison de ces différents facteurs laisse donc penser que les taux vont rester sur des niveaux très bas, tandis qu’il sera difficile de trouver de la liquidité et du rendement sur les marchés financiers. »

 

Quels sont les impacts de ce contexte pour la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes ?

« Tout l’enjeu réside dans l’équilibre que nous devons trouver entre nos ressources commerciales, et les crédits que nous accordons, que nous nommons nos emplois. La crise de liquidité de 2009 nous a en effet appris à limiter notre dépendance au marché financier.

La Région Nouvelle Aquitaine a la particularité d’être très dynamique, avec des villes fortement attractives, comme Bordeaux, Biarritz et La Rochelle. La population croît, veut acheter des logements. Dans le même temps, les prix de l’immobilier montent. Les demandes de crédits immobiliers sont donc plus nombreuses, pour des montants et des durées de plus en plus élevés. Il y a une dizaine d’années encore, la plupart des crédits immobiliers se faisaient sur 15 ans ; aujourd’hui des crédits sur 20 ou 25 ans sont très courants. Ce dynamisme joue pour tous les types de crédits, qu’ils soient personnels ou professionnels. Les emplois auxquels fait face la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes sont donc de plus en plus conséquents.

Nous devons également faire face au fait que les habitants de la région ont moins d’épargne, moins d’argent à placer, notamment parce que les prix de l’immobilier ont grimpé. L’acquisition immobilière mobilise une plus grande part de leur épargne. Un déséquilibre s’est donc créé pour les banques, renforcé par leur difficulté à trouver de la liquidité sur les marchés et par les renégociations de taux à la baisse effectuées par les emprunteurs.

Les emprunteurs et clients des banques en sont toutefois peu conscients. Bien renseignés, ils savent que le contexte de taux est bas et ils négocient à la baisse le taux de leurs emprunts. Toutefois, ils souhaitent aussi obtenir pour leurs placements des rentabilités élevées. Or, il est financièrement difficile pour les banques de pouvoir proposer des crédits à 1,50%  sur 15 ans d’une part, et des rendements à 1,50 % sur quatre ans pour les placements d’autre part.

Désormais, le crédit n’est plus rentable pour les banques. Il demeure cependant un incontournable produit d’appel et un service d’intermédiaire que ces dernières ont le devoir de proposer, afin de répondre aux besoins en financement de leurs clients. »

 

Comment sont fixés les taux proposés aux clients ?

« Nous partons d’un principe financier très simple : nous déterminons d’abord combien le produit nous coûte. Pour un crédit sur 15 ans, cela correspond au prix que la banque obtient pour se financer sur les marchés sur cette durée.

À cela s’ajoutent ensuite les coûts de la gestion du crédit dans le temps, de sa commercialisation et enfin, composante majeure, le coût du risque supporté par la banque. Cela dépend du profil de l’emprunteur. Si ce dernier a peu de chance de faire défaut et présente un profil de risque satisfaisant, le coût du crédit sera inférieur à celui d’un profil plus risqué.

Enfin, un dernier élément peut jouer sur le taux : il s’agit de la contrepartie apportée par le client. Nous pouvons proposer un taux inférieur lorsque l’emprunteur domicilie ses revenus et son épargne dans notre établissement. Notre objectif est avant tout de trouver une proposition satisfaisante pour les deux parties. »

 

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